REVE d'ENFANT Réaction

21/11/2014 19:50

nous avons reçu le message d'ALBE qui réagit à l'illuionscènie:

samedi 15 novembre 2014

Il faut revenir encore une fois sur cet événement considérable qui a eu lieu cet été aux Conches (du 12 juillet au 31 août 2014), et qui donnera des regrets éternels à ceux qui ne l’ont pas vu. Un événement  d’une nature singulière, inattendue, comme née sous la baguette magique d’une fée qui se serait appelée Vircouèt. Une association au sein de laquelle un groupe de bénévoles s’est mis en en tête de donner corps aux rêves ; et prenant leurs désirs pour des réalités, ils ont mis en chantier durant trois mois la construction de ce spectacle enchanté si unique en son genre qu’il méritait bien une  invention lexicale pour le désigner : une illusionscénie.

  Cela se passe à l’école des Tulipes  dans une grande salle communale bouleversée de fond en comble pour devenir la scène de cinq tableaux décrivant l’itinéraire presque initiatique de la Solitude en quête d’amour. Une  petite sirène s’ennuie, elle part à la recherche d’un alter ego et trouve un simulacre en bois qui fera l’affaire. Mais n’allons pas trop vite. Nous sommes aux portes de ce spectacle qui s’ouvre pour nous. Le rideau se lève. En préambule sont exposées quelques œuvres d’enfants, collages et modelages, spontanément  artistiques.

Dès l’entrée on est plongé dirait-on, dans un bain symbiotique où la bioluminescence  des algues planctoniques fait briller de tous côtés les étoiles de mer, les coquillages, l’hippocampe, les raies, l’anémone et les méduses. On n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Dans le bruit de la mer qui bourdonne,  on entend le chant des baleines, des orques et des dauphins.   Une voix off va nous raconter l’histoire toute surnaturelle de la petite sirène, que l’on peut admirer, blonde et scintillante, avec sa queue en lamé de poisson bleu. Elle tient en main le message d’une bouteille jetée à la mer.  Les enfants sont bouche bée devant  le crabe vert. Les  visiteurs sont interloqués, ils ne savent  pas où tout cela va les mener. Ils regardent un peu partout et essaient de comprendre.

La visite continue.  Allez, on avance ! Une petite musique nous entraîne à chaque passage d’une scène à l’autre.   Nous voici à présent dans le marais poitevin. Cygnes, ânes, chenille jaune, mante-religieuse, papillon géant sont dans le décor, il ne manque que les moustiques. Deux grenouilles sont reliées à un petit moteur qui les fait danser,  à la grande satisfaction  du public qui applaudit aussi devant le serpent qui oscille de la tête. Il y aura d’autres personnages tout le long du parcours qui vont ainsi bouger, frémir, voler,  se balancer, toujours selon la fantaisie d’un manipulateur un peu sorcier, invisible et inspiré, passé maître en l’art d’animer l’inerte.  Les amateurs de moteurs apprécieront. On quitte enfin ce monde humide, inondable, terre de bri gorgée d’eau, mare immense, coupe où se désaltèrent les géants et Gargantua assoiffé. On arrive dans la forêt.

Ah ! Bonnes gens vous n’avez encore rien vu ! Voici la forêt lumineuse, le ciel envahi  d’oiseaux bariolés qui volettent deci delà. On entend le refrain  « Au printemps la mère ajasse etc. » chanté par les écoliers des Conches. Le vent souffle et fait bruire les feuilles en papier crépon d’un arbre prophétique, comme le chêne autrefois à Dodone. On passe devant une nichée de vautours aux allures déglingués, hallucinés par ces gros champignons rouges que l’on voit pousser follement en bordure du chemin entre une sauterelle géante, un écureuil à écharpe violette et une fourmi baroudeuse.

Voilà la forêt sombre où sont tapies dans l’ombre les bêtes aux aguets. Les enfants se serrent contre leurs parents, ils se sentent regardés. Il y a des yeux qui observent. Le loup n’est pas loin. On sent l’odeur du tigre (nous sommes dans le pays Clémenceau). Tout à coup surgissent inopinément d’un tunnel  les nains en file indienne, grotesques et rigolards qui tournent en rond, lumignon au poing. Au dernier tournant qui mène au village, il faut affronter l’épreuve de la fée carabosse qui touille sa tambouille. Une grenouille il faut que ça bouille.  De charmantes chauves-souris et un gros rat lui tiennent compagnie.  Ah mais, poussez-vous sorcière, on avance ! Les enfants rigolent. A l’heure d’Harry Potter, ils en ont vu d’autres. Bien sûr, mais là c’est vrai, ça bouge, il y a un effet de réel, c’est palpable, ça vous saute à la figure ! Alors les petits, ça les impressionne tout de même.

On arrive au village qui symbolise la civilisation où va s’égarer la petite sirène. On voit des enseignes qui pendent devant les échoppes. De quoi une civilisation a-t-elle besoin ?  De manger et de s’abriter  sous le regard du Politique. D’où la boulangère, le menuisier et monsieur le maire, à chacun son rôle. Et comme le temps passe, le scénariste a ajouté un vieillard inactuel qui lit le Petit Journal, assis sur un banc adossé à un grand mur de pierres peintes. Ce mur désigne l’infini des choses cachées qu’on ne verra pas mais présentes en ces lieux. La boulangère un petit doigt en l’air vante ses belles miches et le menuisier rabote ses planches d’un petit coup sec et sempiternel. La petite sirène se sent perdue.

Elle arrive au tableau final. L’histoire nous explique  que la petite sirène a finalement reconnu et adopté pour  compagnon une simple marionnette en bois, qui s’est animée, comme Pinocchio, sous le rabot d’un père tout puissant qui a inventé le moteur idéal pour transmettre le souffle de vie. Encore une histoire de moteur, qu’il faut « booster » au démarrage, comme pour la sexualité : il faut un point de départ. Un déclencheur. Nous sommes donc encore dans une histoire  de sexualité ? sans doute mais on n’en sait rien, laissons ce savoir-là caché à l’abri du grand mur couvert de lierres et de lichens.  Tiens justement là-bas, en fin de parcours, il y a un puits.  Allons nous y pencher, il paraît que la vérité s’y tient, au fond.

Il reste qu’une belle idée doit enjoliver la fin d’un spectacle. Alors le mieux est de laisser la parole aux monuments et d’écouter ce qu’ils nous disent sur la place publique. Il y a écrit sur le monument des Conches  : « si tous les gars du monde… ». Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est une pub pour le Vendée Globe ?  Une invite à s’aimer les uns les autres ? Oui sans doute, une vision altruiste du monde, sans doute. Soit.

Aujourd’hui il ne reste plus rien de ce Rêve d’enfant sinon quelques affiches et un petit conte illustré. Tout a été démonté, emporté en septembre en trois jours. Il reste quelques vieilles défroques entassées dans un grenier, des panneaux peints et des voilages défraîchis. Voilà l’histoire de la petite sirène dans sa robe en lamé bleu qui nous a fait faire un beau voyage au pays des rêves mais qui ne se poursuivra plus désormais qu’en nos imaginations et nos souvenirs.

 

ALBE